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COVID et santé mentale en France

La crise COVID19 a eu un impact profond sur la santé mentale des Français. Cet article aborde les publications scientifiques des années 2020-2021 sur les conséquences de la crise sanitaire en termes de santé mentale.

Impact sur la dépression

Pourquoi s’intéresser à la dépression ?

Les conséquences d’une dépression sont sérieuses. Ce trouble de l’humeur, qui peut toucher aussi bien les enfants que les adultes, est progressivement invalidant. Si une personne atteinte de dépression légère parvient encore à donner le change, une dépression modérée à sévère impacte sérieusement la capacité de la personne à mener sa vie. Ce trouble présente en outre un risque vital, avec un risque suicidaire multiplié par 30 pendant un épisode dépressif.

Pronostic en cas de défaillance des soins

Si la dépression n’est pas traitée, la moitié des patients seulement récupère au bout d’un an (Whiteford et al. 2103), souvent les plus jeunes et les moins sévèrement atteints. Sans traitement le pronostic de la dépression s’assombrit (Ghio et al., 2014), avec un tableau clinique de souffrance, un handicap d’insertion, et l’apparition progressive de lésions cérébrales dans la région hippocampique. Il est donc impératif de soigner les dépressions à l’échéance de quelques mois. Or, avant la crise sanitaire, le système de santé mentale français était déjà saturé par les demandes, avec des délais d’attente pouvant aller parfois jusqu’à plusieurs mois (Buisson, 2010 ; Coldefy & Le Neindre 2014).

dépression COVID

Impact sur la dépression de la crise sanitaire

Avant la crise sanitaire, la prévalence de la dépression (autrement dit la proportion de la population atteinte de dépression) était de l’ordre de 10% en France sur une année. Par ailleurs, sur une vie entière, on estimait qu’une personne sur 5 (20%) ferait une dépression en France, avec un ratio  d’un homme pour deux femmes – un indicateur du fait que notre société est particulièrement stressante pour la gent féminine (dans d’autres pays ce ratio est moins défavorable aux femmes).

Après la crise sanitaire, la prévalence a augmenté de façon spectaculaire. L’enquête CoviPrev a rapporté une prévalence de 22% en 2020 ; et plus récemment une autre étude (Martinelli et al., 2021) rapporte le chiffre de 47% !

Les précaires sont en particulier les plus touchés (Ramiz et al., 2021) : par exemple, pendant le premier confinement, les personnes vivant dans des appartements de moins de 30m² ont subi les effets psychologiques les plus lourds.

Impact de la crise sur les soignants

Une étude portant sur 1450 jeunes chirurgiens (Vallée et al., 2020), juste après le 1er confinement, rapporte les statistiques suivantes :

soignant déprimé

Une autre étude (Laurent & Fournier 2021), portant sur 2643 soignants affectés en soin intensif, rapporte que tous ces professionnels sont classés en détresse psychique significative, ceux dans les zones de forte « tension COVID » davantage que les autres.

Impact sur les plus jeunes

Impact sur les étudiants

Sur 69.000 étudiants, en 2020 (Wathelet et al., 2020) :

  • 11% présentaient des pensées suicidaires,
  • 22% une détresse sévère,
  • 25% un stress perçu élevé,
  • 16% une dépression sévère. Notons qu’une aggravation des dépressions a été observée  pour ceux qui en étaient atteints avant le premier confinement (Husky et al., 2021),
  • 27% un haut niveau d’anxiété = 27%. Notons que les  2/3 des étudiants rapportent une aggravation de leur anxiété (Husky et al., 2020)
  • Et 48% rapportaient au moins un trouble psychique.
étudiant déprimé

Ces chiffres sont particulièrement élevés pour une population aussi jeune. A titre de comparaison, qu’on estimait avant COVID que les troubles psychiques avaient une prévalence de 25% sur la population générale !

Impact sur les enfants

Par ailleurs, notons que les enfants sont eux aussi touchés par la crise sanitaire. Par exemple, d’après une méta-analyse récente (Panchal et al., 2021) portant sur 61 articles et 54 999 enfants, la crise sanitaire aurait induit :

enfant déprimé

Enfin, des rapports contradictoires ont été publiés concernant le suicide des enfants. Nous manquons actuellement de données fiables en France. Notons néanmoins que plusieurs études (e.g. Odd et al., 2020 ; Manzar et al., 2021 ; Mayne et al., 2021) rapportent une tendance à l’aggravation des occurrences de suicides chez les enfants.

Mise à jour (décembre 2021) : les chiffres publiés en octobre 2021 par l’hôpital Robert Debré (Cousien, et al., 2021) confirment la tendance que nous avions mentionnée, avec des augmentations très importantes des hospitalisations d’enfants de moins de 15 ans pour des tentatives de suicide depuis le début de la crise sanitaire. La courbe ci-dessous est suffisamment explicite pour prendre conscience de la gravité de la situation.

Mais d’où vient cette inflation des troubles ?

La dépression est la maladie psychiatrique la plus fréquente. Son origine (ou étiologie) est connue : il s’agit d’une maladie du stress. En effet, face à un ou plusieurs stresseurs, la personne essaye de s’adapter et épuise progressivement ses ressources. Celles-ci dépendant de sa résilience, qui va définir son point de rupture et dépends de son éducation et de facteurs de vulnérabilité génétique. L’équation est simple :

si [stress > résilience] alors dépression

Pour comprendre la relation entre la crise sanitaire et la dépression, il suffit d’identifier les sources de stress provenant de la dépression. Sur l’infographie ci-dessous on voit à gauche les ressources qui protègent généralement de la dépression, et à droite les stresseurs propres à la crise sanitaire et au confinement. Cette illustration permet de comprendre en quoi cette crise est dépressogène.

COVID et dépression

Dans le cas des soignants, placés en première ligne pour gérer la crise sanitaire, leurs conditions de travail sont similaires à celle de soldats au front, avec un degré de stress élevé et une confrontation régulière à la maladie et à la mort, conjuguée à des moments d’impuissance. Dans ce contexte, les soignants sont à risque d’épuisement (burnout), d’addiction et de trouble de stress post-traumatique (El Hage et al., 2020).

Références

Buisson, J. R. (2010). La pédopsychiatrie: prévention et prise en charge. Direction des Journaux Officiels. France, Conseil économique, social et environnemental.

Coldefy, M., & Le Neindre, C. (2014). Les disparités territoriales d’offre et d’organisation des soins en psychiatrie en France: d’une vision segmentée à une approche systémique (p. 140). Irdes.

Cousien, A., Acquaviva, E., Kernéis, S., Yazdanpanah, Y., & Delorme, R. (2021). Temporal Trends in Suicide Attempts Among Children in the Decade Before and During the COVID-19 Pandemic in Paris, France. JAMA network open4(10), e2128611-e2128611.

El-Hage, W., Hingray, C., Lemogne, C., Yrondi, A., Brunault, P., Bienvenu, T., … & Aouizerate, B. (2020). Health professionals facing the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic: What are the mental health risks?. Encephale, S73-S80.

Ghio, L., Gotelli, S., Marcenaro, M., Amore, M., & Natta, W. (2014). Duration of untreated illness and outcomes in unipolar depression: a systematic review and meta-analysis. Journal of affective disorders, 152, 45-51.

Husky, M. M., Kovess-Masfety, V., & Swendsen, J. D. (2020). Stress and anxiety among university students in France during Covid-19 mandatory confinement. Comprehensive Psychiatry102, 152191.

Husky, M. M., Kovess-Masfety, V., Gobin-Bourdet, C., & Swendsen, J. (2021). Prior depression predicts greater stress during Covid-19 mandatory lockdown among college students in France. Comprehensive Psychiatry107, 152234.

Laurent, A., Fournier, A., Lheureux, F., Louis, G., Nseir, S., Jacq, G., … & Quenot, J. P. (2021). Mental health and stress among ICU healthcare professionals in France according to intensity of the COVID-19 epidemic. Annals of intensive care11(1), 1-10.

Manzar, M. D., Albougami, A., Usman, N., & Mamun, M. A. (2021). Suicide among adolescents and youths during the COVID‐19 pandemic lockdowns: A press media reports‐based exploratory study. Journal of child and adolescent psychiatric nursing34(2), 139-146.

Martinelli, N., Gil, S., Chevalère, J., Belletier, C., Dezecache, G., Huguet, P., & Droit-Volet, S. (2021). The Impact of the COVID-19 Pandemic on Vulnerable People Suffering from Depression: Two Studies on Adults in France. International Journal of Environmental Research and Public Health18(6), 3250.

Mayne, S. L., Hannan, C., Davis, M., Young, J. F., Kelly, M. K., Powell, M., … & Fiks, A. G. (2021). CoViD-19 and adolescent depression and suicide risk screening outcomes. Pediatrics148(3).

Odd, D., Sleap, V., Appleby, L., Gunnell, D., & Luyt, K. (2020). Child suicide rates during the COVID-19 pandemic in England: Real-time surveillance. Healthcare Quality Improvement Partnership.

Panchal, U., Salazar de Pablo, G., Franco, M., Moreno, C., Parellada, M., Arango, C., & Fusar-Poli, P. (2021). The impact of COVID-19 lockdown on child and adolescent mental health: systematic review. European child & adolescent psychiatry, 1-27.

Ramiz, L., Contrand, B., Castro, M. Y. R., Dupuy, M., Lu, L., Sztal-Kutas, C., & Lagarde, E. (2021). A longitudinal study of mental health before and during COVID-19 lockdown in the French population. Globalization and Health17(1), 1-16.

Vallée, M., Kutchukian, S., Pradere, B., Verdier, E., Durbant, È., Ramlugun, D., … & Saiydoun, G. (2020). Prospective and observational study of COVID-19’s impact on mental health and training of young surgeons in France. Journal of British Surgery107(11), e486-e488.

Whiteford, H. A., Harris, M. G., McKeon, G., Baxter, A., Pennell, C., Barendregt, J. J., & Wang, J. (2013). Estimating remission from untreated major depression: a systematic review and meta-analysis. Psychological medicine43(8), 1569-1585.

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