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Alexithymie

Alexithymie

L’alexithymie est un trait de personnalité. Il s’agit d’une difficulté à identifier, ressentir et nommer les émotions que nous vivons. L’Alexithymie est essentiellement un dysfonctionnement des processus normaux de conscience émotionnelle, qui rend difficile la compréhension des émotions. Les causes de l’alexithymie sont mal connues et font encore l’objet de recherches scientifiques. Les individus alexithymiques ne sont pas incapables de ressentir des états émotionnels, mais souffrent de difficultés à les différencier et à les verbaliser.

Selon les études, on estime que 4 à 13% de la population en souffrirait, soit environ une personne sur dix (Fukunishi et al., 1999 ; Salminen et al., 1999). Pourtant, l’alexithymie est généralement peu connue du grand public. Sachant qu’il s’agit d’un facteur de souffrance et de difficultés psychologiques, il s’agit donc d’un trouble silencieux ayant un très fort impact sur la santé publique.

TAS et facettes de l’alexithymie

La Twenty-item Toronto Alexithymia Scale (TAS-20) est une échelle composée de 20 items, qui mesurent 3 dimensions :

  • la difficulté à identifier ses émotions (DIE), par exemple la phrase « souvent, je ne vois pas clair dans mes sentiments » – représentée par 7 items – 1, 3, 6, 7, 9, 13, 14.
  • la difficulté à décrire ses émotions (DDE), par exemple la phrase « j’ai du mal à trouver les mots qui correspondent bien à mes sentiments » – représentée par 5 items – 2, 4, 11, 12, 17.
  • la pensée opératoire (PO), par exemple la phrase « je préfère parler aux gens de leurs activités quotidiennes plutôt que de leurs sentiments » – représentée par 8 items – 5, 8, 10, 15, 16, 18, 19, 20.

Un score total supérieur ou égal à 56 suggère la présence d’alexithymie chez l’individu.

alexithymie

Vous souhaitez évaluer votre alexithymie ou celle d’une autre personne ? Vous pouvez télécharger l’échelle TAS20 en français ci-dessous :

TAS20

Ces trois facettes correspondent à des corrélats neuronaux spécifiques (Goerlich, 2018). La DIE est associée à des déficiences dans le traitement explicite et implicite des expressions faciales et corporelles des émotions, le traitement somatosensoriel et le circuit de la récompense. Une forte corrélation entre la DIE et le volume du cortex cingulaire antérieur dorsal est en outre rapportée, or il s’agit d’une région clé pour la conscience de soi émotionnelle. Le DDE semble également affecter le traitement des émotions somatosensorielles et faciales. En revanche, la PO semble montrer peu d’effet sur la fonction et la structure des régions du cerveau impliquées dans le traitement des émotions. La PO fait davantage référence à un niveau cognitif du traitement des émotions. EN comparaison, le DIF et le DDF sont étroitement liés et font référence à l’expérience subjective des émotions, c’est-à-dire au niveau affectif du traitement des émotions.

NB.: il existe d’autres instruments de mesure de l’alexithymie (moins employés que le TAS20), tel que le Bermond-Vorst Alexithymia Questionnaire (BVAQ) ou encore le Beth Israel Questionnaire (BIQ).

Alexithymie, facteur de risque et comorbidités

L’alexithymie est loin d’être un trait anodin. Il s’agit en effet d’un facteur de risque en santé et santé mentale :

  • Pour le diabète, car elle est liée à une plus grande difficulté à réguler la consommation de sucre (Martino, et al., 2020a).
  • Le risque de développer une dépression (Hemming, et al., 2019).
  • L’alexithymie est en outre un facteur pronostic en psychiatrie : les patients alexithymiques guérissent moins facilement (Pinna, et al., 2020).
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Elle est en outre un facteur comorbide avec de nombreux troubles tels que :

  • Le syndrome du côlon irritable et les plaintes somatiques (Martino, et al., 2020b) ; ce qui relie l’alexithymie avec la laxophobie.
  • L’anxiété (Gao, et al., 2018 ; Martino, et al., 2020b).
  • L’addiction aux téléphones portables (Gao, et al., 2018).
  • Le trouble du spectre autistique, les personnes atteintes d’autisme sont 10 fois plus susceptibles d’être alexithymiques que la population générale (Kinnaird, et al., 2019).
  • La dépression (Gao, et al., 2018 ; Hemming, et al., 2019 ; Martino, et al., 2020b).
  • La schizophrénie (O’Driscoll, 2014).
  • Le risque suicidaire et le risque d’agression (Hemming, et al., 2019).

Soigner l’alexithymie

Les interventions de psychothérapie ciblant directement et spécifiquement l’alexithymie ont démontré leur efficacité (Cameron, et al., 2014). L’utilisation d’outils tels que la méditation de pleine conscience (Norman, et al., 2019), et la psychoéducation sur les émotions en thérapie cognitive et comportementale (Baker et al., 2012) peut aider l’individu souffrant d’alexithymie à mieux comprendre et vivre ses émotions.

Pour aller plus loin

Vous trouverez ci-dessous une conférence d’Olivier Luminet (une heure) sur l’alexithymie, provenant de la chaîne Youtube des éditions de Boeck :

Références

Bagby, R. M., Taylor, G. J., & Parker, J. D. A. (1994b). The Twenty-Item Toronto Alexithymia Scale – II. Convergent, discriminant, and concurrent validity. Journal of Psychosomatic Research, 38, 33 -4

Baker, R., Owens, M., Thomas, S., Whittlesea, A., Abbey, G., Gower, P., … & Thomas, P. W. (2012). Does CBT facilitate emotional processing?. Behavioural and Cognitive Psychotherapy40(1), 19-37.

Cameron, K., Ogrodniczuk, J., & Hadjipavlou, G. (2014). Changes in alexithymia following psychological intervention: a review. Harvard review of psychiatry22(3), 162-178.

Fukunishi, I., Wogan, J., Berger, D., & Kuboki, T. (1999). Alexithymic traits as predictors of difficulties with adjustment in an outpatient cohort of expatriates in Tokyo. Psychological reports85(1), 67-77.

Gao, T., Li, J., Zhang, H., Gao, J., Kong, Y., Hu, Y., & Mei, S. (2018). The influence of alexithymia on mobile phone addiction: The role of depression, anxiety and stress. Journal of affective disorders225, 761-766.

Goerlich, K. S. (2018). The multifaceted nature of alexithymia–a neuroscientific perspective. Frontiers in psychology, 9, 1614.

Hemming, L., Haddock, G., Shaw, J., & Pratt, D. (2019). Alexithymia and its associations with depression, suicidality, and aggression: an overview of the literature. Frontiers in psychiatry10, 203.

Kinnaird, E., Stewart, C., & Tchanturia, K. (2019). Investigating alexithymia in autism: a systematic review and meta-analysis. European Psychiatry, 55, 80-89.

Martino, G., Caputo, A., Vicario, C. M., Catalano, A., Schwarz, P., & Quattropani, M. C. (2020a). The relationship between alexithymia and type 2 diabetes: a systematic review. Frontiers in Psychology, 11, 2026.

Martino, G., Caputo, A., Schwarz, P., Bellone, F., Fries, W., Quattropani, M. C., & Vicario, C. M. (2020b). Alexithymia and inflammatory bowel disease: a systematic review. Frontiers in Psychology, 11, 1763.

Norman, H., Marzano, L., Coulson, M., & Oskis, A. (2019). Effects of mindfulness-based interventions on alexithymia: a systematic review. Evidence-Based Mental Health22(1), 36-43.

O’Driscoll, C., Laing, J., & Mason, O. (2014). Cognitive emotion regulation strategies, alexithymia and dissociation in schizophrenia, a review and meta-analysis. Clinical Psychology Review34(6), 482-495.

Pinna, F., Manchia, M., Paribello, P., & Carpiniello, B. (2020). The impact of alexithymia on treatment response in psychiatric disorders: a systematic review. Frontiers in psychiatry11, 311.

Salminen, J. K., Saarijärvi, S., Äärelä, E., Toikka, T., & Kauhanen, J. (1999). Prevalence of alexithymia and its association with sociodemographic variables in the general population of Finland. Journal of psychosomatic research46(1), 75-82.

Zimmermann, G., Quartier, V., Bernard, M., Salamin, V., & Maggiori, C. (2007). Qualités psychométriques de la version française de la TAS-20 et prévalence de l’alexithymie chez 264 adolescents tout-venant. L’encéphale, 33(6), 941-946.

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